Saturday 1 October 2011

Germinal review 1 - telerama

C'est dur, le rôle du critique face à un film comme celui-là. Il irait chipoter, le critique, l'oeuvre d'un monsieur, qui, dans une autre vie, aurait aimé être Etienne Lantier, le héros de Germinal ? (1) Un monsieur, visiblement sincère, qui dépense 165 millions de francs pour rappeler aux pauvres que les riches ne leur feront jamais de cadeaux ? Un monsieur qui, en ces temps où la misère monte et l'indifférence à la misère aussi, ose rappeler que la classe ouvrière doit lutter, lutter encore et ne jamais cesser de lutter afin que les lendemains qui chantent se pointent, enfin, et que l'injustice soit, enfin, annihilée ? Un monsieur qui, en 1993, ressuscite le message de Zola ? En plus, c'est vrai : lorsque Berri filme la sortie des « jaunes » conspués par les grévistes, on est ému. Et l'on ressent un petit frisson lorsque, face à l'armée que le patronat a appelée à la rescousse, les mineurs  dont le gros Maheu (Gérard Depardieu) ­ s'écroulent. Un petit frisson, mais pas l'embrasement souhaité et espéré. Pourquoi ? Parce que Berri n'est ni Eisenstein ni Panfilov (2), qu'il manque du souffle de l'un et du lyrisme de l'autre. En fait, tout se joue très vite. Dès qu'un petit jeune homme pâle, aux traits tirés (Renaud, fiévreux, comme déphasé, très bien en somme !), s'avance vers le magnifique décor rêvé par Berri. « C'est la fosse ? », demande-t-il. On a envie  même si la question est dans Zola  de lui répondre : « Tu le vois bien que c'est la fosse, eh, crétin ! » Plus poli, un vieux mineur, qui crache du charbon tellement la mine l'a tué avant de le faire mourir, lui dit que la fosse, oui, c'est bien ici. Et, sous les traits soigneusement noircis du pauvre « Bonnemort », on reconnaît Jean Carmet. Et là, de deux choses l'une : ou l'on oublie très vite Carmet pour ne plus voir que le pauvre Bonnemort, et l'on plonge, alors, dans l'imagerie sage mais efficace de Claude Berri. Ou bien, on ne voit que lui, Carmet ; Carmet déguisé en vieux mineur malade, plutôt bien déguisé, d'ailleurs, mais déguisé tout de même. Et le film de Berri verse alors lentement, mais sûrement, dans l'artifice, aussi respectueux soit-il. Par parenthèse : qu'est-ce qu'ils ont tous actuellement  Scorsese avec Edith Wharton, Berri avec Zola  à illustrer les romanciers avec cette touchante et naïve fidélité ? C'est tout de même parce qu'il a osé bousculer gaillardement Flaubert que Manoel de Oliveira a réussi la meilleure adaptation cinématographique de Madame Bovary, à savoir Le Val Abraham. En fait, la seule question que l'on se pose, à la fin de ce Germinal, pas vraiment raté (grâce à Miou-Miou, Renaud, Jean-Roger Milo...) mais pas très réussi non plus, c'est : fallait-il ? Fallait-il dépenser 165 millions de francs pour rappeler aux pauvres que les riches ne leur feront jamais de cadeaux ? La question se pose d'autant plus vivement que, la semaine prochaine, sort le film superbe de Ken Loach, Raining Stones. Il n'a pas adapté Zola, Ken Loach. Il n'a pas dépensé des millions. Il n'a pas de « message social » à délivrer. Non. Il raconte simplement, pauvrement, l'histoire d'un chômeur irlandais qui effectue des petits boulots merdeux pour ne pas déchoir à ses propres yeux. Le grand film généreux, chaleureux, engagé de cette rentrée, c'est Raining Stones - Pierre Murat (1) « Quand je lis Germinal, quand je pense à Germinal, je suis à côté de mon père, aux côtés des mineurs qui crient parce qu'ils ont faim. Je crois que, dans une autre vie, j'aurais pu, j'aurais voulu, être Etienne Lantier. » (Extrait du résumé d'intention écrit par Claude Berri en mai 1992 pour la Commission d'avances sur recette.) (2) Juste pour rappeler que La Mère, que Gleb Panfilov a adapté du roman de Gorki et dont le thème est voisin de Germinal, n'a toujours pas trouvé de distributeur français. Forcément : il y avait Inna Tchourikova dans La Mère. Et pas Depardieu, Miou-Miou, Renaud et les autres...

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